C’est un véritable tourbillon émotionnel dans lequel s’est trouvé embarqué Emmanuel Reyé. Car pour son premier passage derrière la caméra il n’a pas choisi le sujet le plus simple. « Après avoir longtemps travaillé dans la production audiovisuelle à faire des clips et des publicités, j’avais envie de passer à quelque chose de plus personnel », explique celui qui a grandi à Niort. Et cet aspect personnel, il le trouve dans un drame national qui est aussi un drame familial.
Lever le voile
Le 11 juin 1955, le circuit automobile des 24h du Mans bat son plein quand la Mercedes du pilote français Pierre Levegh s’envole et percute une foule de spectateurs. Bilan : 82 morts et plus de 120 blessés. Parmi les victimes, deux oncles d’Emmanuel Reyé, présents ce jour-là avec leur père et leur frère, sains et saufs car sortis des tribunes peu de temps avant. Une tragédie familiale passée sous silence durant de nombreuses années. « C’est un épisode dont personne ne parlait dans la famille. J’ai découvert l’existence de mes oncles et de cet accident vers 17 ans. » Mais à cet âge-là, on a d’autres préoccupations. Il faut donc attendre 2020 pour que cette histoire refasse surface. « Quelqu’un m’a reparlé de ce drame. J’ai eu envie d’aller plus loin. Je voulais comprendre ce qui s’était passé et surtout lever le voile sur ce pan traumatique de notre vie. J’ai commencé par interroger ma famille. Je suis allé au Mans, à la bibliothèque nationale de France, etc. Ma quête personnelle s’est transformée en enquête. J’ai écrit avec l’aide d’Aurore Aubin une note d’intention de 30 pages. Fédération Studio et Canal + nous ont suivis », raconte ce père de trois enfants, installé aujourd’hui à Saint-Jean-de-Luz après avoir quitté Paris.
Reprendre le flambeau
Le plus dur commençait pour le « jeune » réalisateur qui a dû se passer de l’aide des principaux protagonistes de l’événement à savoir l’Association des courses de l’Ouest (ACO) et les écuries automobiles concernées, voyant cette nouvelle incursion d’un mauvais oeil. « Je suis allé de surprises en surprises. Des anecdotes j’en aurais plein à raconter ! » À force de ténacité, celui qui a produit des clips de Lana Del Rey, Woodkid ou encore Kid Cudi (rien que ça !), réussit son pari. Un documentaire de 1h30 récompensé dans plusieurs festivals à travers le monde. « Soixante-dix ans après c’était comme rendre un hommage à mon grand-père et à la lutte qu’il avait entamée à l’époque pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette catastrophe. »
En projetant son documentaire dans sa ville natale, Emmanuel Reyé bouclait la boucle : « C’était important et évident de venir à Niort d’autant qu’une partie du film est tournée ici. »
Si vous l’avez manqué, rassurez-vous, le film est disponible sur Canal + Docs et la plateforme myCanal.