:Le transport routier se réinvente avec le rail

Les transporteurs seront acteurs du dispositif Niort Terminal dont ils assureront l’exploitation des lignes. Entretien avec Denis Baudouin, PDG de la société Transports Baudouin, à Prahecq.

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Les transporteurs seront acteurs du dispositif Niort Terminal dont ils assureront l’exploitation des lignes. Entretien avec Denis Baudouin, PDG de la société Transports Baudouin*, à Prahecq. Il  voit dans le fret ferroviaire une partie de la solution aux aléas du transport routier.  

  • Qu’est-ce que vous attendez de Niort Terminal ?

Denis Baudouin : "Le projet s’est développé à l’époque où l’on parlait de feu l’écotaxe. L’idée était de trouver un mode de transport alternatif à la route et apporter une solution partielle à nos problématiques. Il permet aussi de nous inscrire dans une politique environnementale globale en apportant une réponse à nos chargeurs (clients) à qui on demande d’emprunter des chemins plus verts que par le passé. Niort Terminal répond aux besoins que nous avons de créer de l’activité sur le territoire et régionaliser nos trafics, car on s’est fait dépouiller de nos mouvements nationaux et internationaux à coup de main d’œuvre bon marché. C’est aussi se projeter dans l’avenir".

  • Le marché du fret ferroviaire est aujourd’hui ouvert. Avec qui allez-vous travailler ? La SNCF ou un opérateur privé ?

D. B. "Il faut comprendre que pendant très longtemps la SNCF a été l’unique prestataire du transport ferroviaire en France. Or, il y a quelques années, elle a décidé de concentrer ses moyens sur le voyageur. De plus, elle a abandonné les wagons isolés pour ne faire que des trains complets. Nous sommes dans une région assez peu industrialisée et rares sont les chargeurs en capacité d’affréter des trains complets. Donc on essaie de recréer ce marché qui n’existe plus. Cela veut dire qu’on ne traitera pas avec la SNCF, mais avec un opérateur privé pour une question de coût, de volonté et de moyens. Il s'agit d'un trafic spécifique qui nécessite de la souplesse, on essaie d’adapter le rail au mode routier pour répondre au cahier des charges de nos chargeurs qui sont concentrés sur le délai et le prix".

  • L’avenir du transport routier passerait donc par le rail ?

D. B. : "En partie. Au moins sur les longues distances. Mais on pourrait aussi trouver de l’intérêt pour des distances plus courtes. On a, par exemple, une société à La Crèche qui envoie des céréales sur le port de La Rochelle. Elle pourrait être intéressée par le transport ferré. En retour, des marchandises arrivant à La Rochelle pourraient intéresser des chargeurs de notre secteur. On essaie d’optimiser au maximum chaque ligne".

  • Pour conserver la main sur ce marché, vous assurerez vous-mêmes l’exploitation de Niort Terminal. Vous êtes quasiment en train de réinventer votre métier.

D. B. : "On le réinvente et on le réorganise. On joue la survie de la profession en nous recentrant sur nos périmètres régionaux. Un train génère tout un transport routier en amont et en aval et c’est là que nous avons à gagner, pour transporter la marchandise vers le train et la livrer à l’arrivée. Ça va générer de l’activité et des économies pour nous. On est en train de créer une société, SAS Modal Ouest, pour mutualiser nos moyens, être plus forts ensemble et minorer le risque. À ce jour, 25 sociétés sont impliquées dans notre projet, mais après la réunion du mardi 24 mars à laquelle ont participé une cinquantaine de professionnels, je sens que l’idée commence à germer et que nous serons plus nombreux très bientôt".

  • Un train, c’est 40 camions qui ne roulent pas. Qu’est-ce qu’on fait des chauffeurs ?

D. B. : "C’est sûr que le métier va devoir se réorganiser. Les chauffeurs qui faisaient de la zone longue vont se recentrer sur de la zone courte parce qu’il y aura plus d’activités dans ce domaine. Les chauffeurs qui font de la longue distance sont de moins en moins nombreux sous l’effet de la concurrence. Les Transports Baudouin faisaient 40 % de leur activité avec la longue distance, aujourd’hui c’est à peine 1 %. Il faut nous recentrer sur notre territoire, c’est là qu’on gagnera de la productivité et qu’on maintiendra l’emploi. Donc, non il n’y aura pas de conséquences sociales en termes d’effectifs, juste des modifications d’organisation du travail pour une partie des chauffeurs".

  • Craignez-vous la concurrence de ces gros groupes internationaux qui cassent les prix ?

D. B. : "Sur la partie ferroviaire, on sera hyper concurrentiels. Par contre, il faudra être bon à chaque bout de la ligne. La plus-value, on la fera sur notre capacité à livrer efficacement la marchandise. Pour l’instant, le marché du cabotage n’est pas complètement ouvert et l’Europe veille à cela. Il faut axer notre discours sur la qualité de nos services, être performants en termes de tarifs et mettre en avant l’aspect environnemental du ferroviaire".

  • À quelle date est prévue le premier train ?

D. B. : "L’inauguration va avoir lieu en septembre. Idéalement, le premier train serait pour octobre. On va commencer petitement parce que faire partir un train c’est beaucoup de travail en amont : négocier les sillons avec la SNCF ; trouver le transporteur ferroviaire ; des terminaux embranchés sur les sites où l'on va s’arrêter ; réserver le matériel de manutention ; nous équiper en matériel spécifique que nous n’avons pas aujourd’hui...  Tout ça est long à mettre en place. On démarrera quand on sera certain de le faire dans de bonnes conditions".


* La société Transports Baudouin, créée en 1957, emploie aujourd’hui 140 salariés sur le site de Prahecq où elle a son siège et réalise un chiffre d’affaires annuel de 15 millions d’euros, avec une flotte de 85 véhicules.

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