:Madame le juge des enfants

Anne Mattéi est arrivée au tribunal de Niort en janvier 2013 en tant que juge des enfants. Interview d’une magistrate soucieuse de dialogue.

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  • Vivre à Niort . Pouvez-vous présenter les différentes facettes de votre métier ?
  • Anne Mattéï. La compétence du juge des enfants est double. Tout d’abord, nous intervenons quand il y a danger pour le mineur. C’est la mission d’assistance éducative, qui peut concerner l’enfant du jour de sa naissance à ses 18 ans. La première des mesures de protection est l’investigation, pour évaluer précisément la situation de danger. Ensuite, le juge peut décider de laisser le mineur chez ses parents avec un suivi éducatif auprès de la famille. Ou bien de placer l’enfant, qui est confié soit à l’aide sociale à l’enfance, au Conseil général, soit à un autre membre de sa famille. Mais le juge des enfants n’intervient pas pour fixer le lieu de résidence d’un enfant en cas de séparation d’un couple ; ca, c’est le rôle du juge aux affaires familiales. La loi fait obligation au juge de faire le maximum pour qu’un enfant reste dans son milieu familial. Et de chercher l’adhésion de la famille à la mesure. C’est pour ça que les audiences sont pour moi un moment extrèmement important. Voilà pour l’assistance éducative ; le critère, c’est le danger
  • Et la deuxième compétence ?
  • A.M. C’est le rôle de  sanction.
  • Là encore le juge des enfants est saisi par le procureur de la République. Par exemple, lors d’une convocation devant le juge. Si les faits sont constitués, le mineur est mis en examen. Soit ça s’arrête là jusqu’au jugement, soit le juge peut décider de différentes mesures de suivi du mineur.  Celui-ci, à partir de 16 ans ou 13 ans dans certains cas, peut aussi être placé sous contrôle judiciaire avec des obligations particulières. S’il ne les respecte pas, il peut être envoyé en détention provisoire dans une prison pour mineurs comme à Orvault, à côté de Nantes. Ensuite, le juge décide de renvoyer le dossier soit en audience en chambre du conseil, laquelle se tient dans le bureau du juge en présence du greffier, de  l‘avocat du mineur, du mineur, de ses parents et des victimes. Là, le juge ne peut prononcer que des mesures à caractère éducatif. Soit il décide de le renvoyer devant le tribunal pour enfants. A Niort, il y a une audience par cabinet et par mois.
  • Comment est organisé la justice des mineurs au tribunal de Niort ?
  • A.M. Nous sommes deux juges des enfants. Mon collègue a le sud du département et j’ai le nord, à partir de Saint-Maixent l’école.Chaque juge des enfants a un greffier dans le cadre de l’assistance éducative et concernant les fonctions pénales, nous avons un greffier pour les deux cabinets. Nous sommes donc cinq pour les Deux-Sèvres. Précisons qu’un  juge des enfants à Niort est plus chargé en matière d’assistance éducative qu’au pénal. Pour l’assistance éducative,  il y a 837 dossiers en cours actuellement (en mars 2013) pour  les deux cabinets, contre 776 il y a un an. Le juge des enfants est aussi compétent pour prononcer les mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial. Nous avons 215 mesures en cours sur les deux cabinets. Au pénal, en 2012, 51 jugements ont été rendus par le Tribunal pour enfants et 130 ont été rendus par le juge des enfants statuant en chambre du conseil.
  • Comment devient-on juge des enfants ?
  • A.M. On n’est pas juge des enfants à vie. A l’origine, on est magistrat. Dans la voie classique, on a une formation commune après un concours d’entrée à l’école nationale de la magistrature. L’école dispense une formation théorique et pratique sur tous les métiers qui peuvent être exercés dans la magistrature. A la sortie, vous  vous choisissez sur un volant de postes proposés celui qui vous convient ; C’est un concours difficile.  Vu les responsabilités exercées, c’est normal. Et c’est un concours qui maintenant est ouvert aux gens qui ont déjà une activité professionnelle, ce qui apporte une richesse différente.
  • Qu’avez-vous à ajouter ?
  • A.M. C’est aussi un travail d’équipe, avec le greffier et avec les services éducatifs. Et un travail d’accompagnement. Les audiences sont très importantes. Il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec nous, c’est normal qu’ils puissent exprimer leur désaccord.  Mais quand la décision est comprise, pas nécessairement acceptée mais comprise, le travail est beaucoup plus simple après.  Tant au niveau pénal qu’au niveau éducatif, il faut prendre le temps avec les gens pour leur expliquer. L’audience, c’est aussi un temps où il faut que les gens se sentent écoutés. Ce travail est fondamental. On a des situations dramatiques, avec des enfants qui vivent des choses très difficiles, il faut aussi qu’ils puissent avoir confiance dans les gens qui les accompagnent.