Dernier déporté niortais encore en vie, Pierre Ropiquet nous a ouvert les portes de sa mémoire pour témoigner de son parcours. Un parcours fait de lumière, d’ombre, de vie et de néant. Pierre Ropiquet est né en 1924 à La Mothe-Saint-Héray.
Il a 15 ans lorsque la guerre éclate et il se souvient encore de l’entrée des troupes allemandes à Niort. Une occupation qu’il vit mal, car son père a été gravement blessé en 1914 et garde de douloureuses séquelles. Les années passent et il reçoit une convocation du Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne.
C’en est trop pour lui et il décide de faire sa valise pour rallier l’Angleterre. Il se procure de faux papiers et part rejoindre la ferme d’un cousin déjà actif dans un réseau de Résistance.
C’est là qu’il sera arrêté par la Gestapo et qu’il fera connaissance, pour la première fois, avec la barbarie à visage humain. Transféré à la prison de Poitiers, il est torturé. Une pluie de coups de poing et de nerf de bœuf le laisse sur le sol avec une mâchoire fracturée et quatre molaires en moins. Il a 19 ans. L’âge d’une insouciance que l’on va lui kidnapper.
Transféré à Compiègne, il reste trois semaines dans un camp jusqu’à ce triste jour du 2 juillet 1944 où, avec quelques milliers de compagnons d’infortune, il monte dans un train sans en connaître la destination. Un wagon en bois avec seulement deux ouvertures. Une centaine d’hommes entassés, sans latrines et une réserve d’eau de 100 litres, vont constituer son quotidien pour un voyage de quatre interminables jours au cours duquel beaucoup perdront la vie. Son terminus, Pierre Ropiquet ne le découvre que lorsque les portes s’ouvrent et c’est Dachau, le premier camp de concentration construit par les nazis en 1933.
Accueilli avec violence par des SS et des chiens, il endosse la tenue rayée de déporté politique. Il est à nouveau déplacé à Neckarelz avec le matricule 22100. Travailleur de nuit, il s’échine comme des milliers d’autres dans les tunnels d’une mine dans des conditions de (sur)vie épouvantable. Les kapos qui les encadrent, détenus de droit commun, ont la main lourde et mènent la vie dure aux prisonniers. Pierre Ropiquet résiste à plusieurs maladies, comme le typhus ou la pleurésie et devient infirmier.
En décembre 44, il est de nouveau transféré au camp de Vaihingen où les malades sont abandonnés à leur sort et vivent dans des conditions d’hygiène épouvantables, sans soins ni chauffage et sous-alimentés. Le 6 avril 45, les SS rassemblent tous ceux qui peuvent marcher pour les déplacer, mais Pierre Ropiquet quitte subrepticement la colonne et rejoint le camp sous l’oeil des gardiens. Il se cache deux jours dans l’infirmerie parmi les morts et constate en sortant que le camp est vide et qu’un énorme trou dans les barbelés lui permet de partir. Ce qu’il fait ! Il erre quelques heures, puis tombe sur un soldat français à qui il révèle l’existence du camp. Ils y retournent tous les deux en jeep avec du lait réquisitionné dans une ferme voisine pour alimenter les survivants.
C’est enfin la fin du voyage dans le néant pour Pierre Ropiquet